eLearning-infos : Quels sont les principaux enseignements de l'étude Formaeva 2011 sur les pratiques d'évaluation de la formation dans les entreprises françaises ?
Jonathan Pottiez : 2 enseignements principaux. D'abord, force est de constater que les pratiques d'évaluation des formations demeurent peu développées. Si l'évaluation des réactions des formés (niveau 1 du modèle de Kirkpatrick) est très largement répandue, l'évaluation de l'apprentissage (niveau 2), du transfert des acquis (niveau 3) et de l'impact de la formation sur les résultats (niveau 4) sont, elles, plus rarement pratiquées… Plus on progresse dans la hiérarchie des niveaux, plus rares se font les évaluations.
Ensuite, subsiste la difficulté à penser l'évaluation comme un processus à part entière. L'évaluation prend en effet encore trop souvent la forme d'un questionnaire générique, administré juste après la formation ("à chaud"), en ligne ou non, qui comporte des questions essentiellement centrées sur la satisfaction. Bref : nous sommes loin d'avoir des évaluations qui vérifient l'atteinte d'objectifs de formation concrets (observables et mesurables en situation de travail) et définis en amont de la formation (en lien avec les besoins), qui favorisent l'échange pré- et post-formation entre les collaborateurs formés et les managers pour un meilleur transfert des acquis…
Pour résumer mon propos : l'évaluation est encore la "cerise sur le gâteau de la formation", loin d'être considérée comme devant structurer complètement l'action de formation en amont de celle-ci.
L'analyse détaillée des résultats montre que les constats établis précédemment sont partagés et intersectoriels.
eLI : Avez-vous noté une évolution sensible depuis les résultats de votre étude 2010 ?
JP : Les résultats sont très proches de ceux mis en exergue par l'étude de 2010, et notamment les deux enseignements évoqués précédemment.
Par ailleurs, malgré le contexte légal qui incite à évaluer les acquis de la formation, nous remarquons que les pratiques d'évaluation de l'apprentissage ne se sont pas réellement développées. Elles sont même plus rarement observées pour cet échantillon d'organisations. Il est probable que la nouvelle norme ISO 29990 modifie la donne au niveau des organismes de formation.
eLI : Quels sont les principaux obstacles qui continuent d'empêcher les entreprises d'évaluer plus rigoureusement leurs formations ?
JP : Les obstacles évoqués sont nombreux, et souvent d'ordre méthodologique.
Pourtant, l'évaluation des formations n'est pas tant un défi technique qu'un défi managérial/organisationnel. Par exemple, trop d'actions de formation sont programmées en l'absence de véritables objectifs de formation. Généralement, les formations sont planifiées et, après, seulement après, on prend le temps de réfléchir à la rédaction des objectifs. Un peu tardivement il me semble... le mal est fait et les objectifs ne sont probablement pas atteints, et comment le pourraient-ils si personne n'en a connaissance !?
Evaluer réellement l'efficacité des formations demande de revoir la façon dont la formation est gérée. Pour reprendre les termes d'Alain Meignant, il s'agit de passer de l'administration de la formation (gérer la formation en se calquant quasi-uniquement sur le cadre légal) au management de la formation (gérer la formation comme un partenaire d'affaires et des responsables opérationnels).
eLI : La part de l'évaluation informelle est loin d'être négligeable… En quoi consiste-t-elle ? Peut-on imaginer lui apporter un début de formalisation avec les nouvelles plateformes collaboratives dont se dotent les entreprises ?
JP : Les effets de la formation sont observables par différents acteurs comme les Responsable Formation, managers, collègues, subordonnés, clients, etc. qui ne sont pas toujours intégrés dans le circuit formel de l'évaluation.
Il serait dommage de ne pas recueillir ces informations qui complètent efficacement celles fournies par l'évaluation formelle. Cela est d'autant plus important que ces pratiques d'évaluation informelles permettent d'identifier des effets de la formation, positifs ou négatifs, qui n'avaient pas toujours été prévus !
Comme nous le pratiquons avec certains de nos clients, il peut donc être judicieux de prévoir des évaluations "libres", par lesquelles différents acteurs pourront faire part des effets de la formation, exprimer leurs difficultés à mettre en oeuvre ce qui a été appris, émettre des suggestions d'amélioration, faire part de besoins de formation, etc.
Au-delà de la question de l'évaluation, les plateformes collaboratives peuvent également être utilisées pour renforcer l'apprentissage ou partager des conseils de mise en pratique. Par exemple, nous testons en ce moment un nouveau module de Formaeva qui permet de mettre en relation les formés entre eux, avec les formateurs. Ainsi, un réseau social thématique est créé à la suite à d'une formation, ce qui vient en maximiser l'efficacité.