Le potentiel de croissance du marché du serious game est important, si l'on se fie aux propos de Laurent Michaud, chef de projet loisirs numériques à l'Idate. Pourtant, beaucoup d'étapes restent encore à franchir avant que ce marché n'atteigne sa pleine maturité. "Il est trop facile d'imaginer que ce secteur va devenir mature en si peu de temps", juge l'expert. Pour y arriver, les acteurs du marché devront opérer une synthèse entre expertise métier, développement pédagogique et pratique du jeu vidéo. "Aujourd'hui, tout le monde pense qu'on peut développer un serious game sans avoir de game designer", précise Laurent Michaud. Ce qui amène à ce constat : de nombreux serious games restent encore de simples exercices qui auraient pu être effectués sous d'autres formes.
La notion d'expertise
Pourtant, quelques éditeurs commencent à se doter d'une véritable expertise et créent des jeux à forte valeur ajoutée pour l'apprenant. Dans le domaine de la santé par exemple, l'éditeur Genious a imaginé Ehpad'panic afin d'apprendre aux infirmiers et aides soignants travaillant dans les établissements d'hébergement de personnes âgées dépendantes les bons comportements à adopter en cas de problème. Depuis peu, le groupe Bernard Julhiet, spécialisé dans le conseil en RH et management, s'est associé à l'éditeur espagnol Gamelearn afin de mettre à disposition de ses clients le jeu Merchants, un learning game testant les capacités à la négociation des apprenants tout en jouant à devenir le meilleur marchand de bateaux de Venise dans un décor du XVe siècle. "La formation y représente entre 85 et 90 % selon des principes de négociation développés à Harvard", explique Nadia Nardonnet, directrice générale du cabinet à Paris.
L'importance de l'accompagnement
Ces modules de jeu apparaissent particulièrement longs, comme entre 9h et 15h pour Merchants. "Il est important de ne pas laisser l'apprenant tout seul par rapport à ça et de donner rapidement un retour par rapport à cette immersion", avance la directrice de Bernard Julhiet. Un avis partagé par Patrick Galiano, manager e-learning chez Cegos : "Le serious game seul nécessite des appuis et des accompagnements à travers des ateliers en présenciel et le soutien des managers. L'accompagnement est déterminant car derrière, il faut pouvoir échanger et transposer ce que l'apprenant a appris dans la vie de tous les jours." Le serious game ne se suffit donc pas à lui-même pour que l'apprentissage se révèle efficace.
L'aspect social
D'autres évolutions semblent se dessiner en matière de serious game, comme le recours au social gaming particulièrement apprécié par les apprenants ou le développement du multisupports. "Si on veut être en phase avec les usages, il faut créer des applications agnostiques du terminal, dans le cloud. Les acteurs monoplateformes seront donc amenés à disparaître", pense Laurent Michaud. Autre phénomène émergeant : le développement de la vente sur étagère dans un marché où le sur-mesure domine. Cette stratégie pourrait permettre d'effectuer des économies d'échelles sur le moyen terme.