Chez L'Oréal, le projet Hair-Be 12 a été porté par une équipe ad hoc, sous la férule de Frédéric Aunis, Directeur de l'entité « Business Education and Development Worldwide Operations », avec la participation active des premiers concernés que sont les élèves et les professeurs des écoles de coiffure, ou les managers de salon, à travers un grand nombre de focus groups et de workshops en Angleterre ou en France... avec la volonté de créer des contenus concrets, aussi proches que possible des pratiques business en salon. »
L'entité supervisée par Frédéric Aunis a en effet pour mission de concevoir et de mettre en oeuvre des programmes visant notamment à initier les apprentis coiffeurs à la dimension business d'un salon de coiffure. Ces initiations, qui sont menées en partenariat avec les écoles et les instituts qui forment les apprentis à la coiffure, contribuent à long terme au développement des marques professionnelles telles que Kérastase, Matrix, Mizani, Redken, distribuées par les salons de coiffure.
L'idée initiale était de « construire un business game pour transmettre la dimension business d'un salon de coiffure aux jeunes coiffeurs, en particulier dans le cadre de leur apprentissage au sein des écoles de coiffure, lesquelles sont au nombre d'environ 300 sur le seul territoire français ». Il s'agissait aussi de sortir des sentiers battus : « Délivrer de la documentation et des informations sur CD Rom ou DVD, par exemple, chez L'Oréal, un répertoire technique sur les produits de coloration... tout le monde sait faire ! Nous voulions tester une autre approche, innovante, efficace, différentiante. »
De fait, le projet de business game va évoluer sous l'influence de plusieurs facteurs décisifs. « Nous avons rapidement décidé d'offrir le business game à un plus grand nombre de partenaires, situés dans un vaste ensemble géographique de pays et de régions... du coup, le nombre d'apprentis potentiellement concernés croissait exponentiellement ! Pour fixer les idées, s'il y a 23 à 25 mille apprentis coiffeurs en France, ils sont près d'un million dans le monde... Par ailleurs, il nous fallait prendre en compte la nécessité de localiser le business game dans plusieurs langues, et surtout d'intégrer la dimension culturelle... Par exemple, on imagine bien que les modalités du contact avec la clientèle peuvent grandement différer d'un pays à l'autre – le risque d'impair n'est pas loin si l'on n'y prend garde. »
Autre facteur : les caractéristiques de la population cible d'apprenants. « Jeunes, à peine âgés de 15 ans parfois, les apprentis coiffeurs ont souvent quitté prématurément le système scolaire général, faute d'y avoir trouvé une pédagogie adaptée à leur profil. Dès lors qu'on leur offre la possibilité d'être dans l'action, dans la pratique, le concret, ils réussissent beaucoup mieux dans leurs études, comme on peut le constater dans les écoles et les instituts de coiffure. »
En parallèle, Frédéric Aunis rappelle que ces apprentis se perçoivent avant tout comme des artisans, voire des artistes, et qu'ils ont parfois quelques difficultés à se faire à la dimension business du salon – gestion et développement, relation client, consultation, fidélisation... – alors même que certains d'entre eux seront plus tard à la tête de leur affaire... et que les autres devront contribuer à la croissance du chiffre d'affaire.
Enfin il ne faut pas oublier la technophilie de cette génération : ces jeunes gens consacrent une bonne partie de leur temps à manipuler baladeur, téléphone mobile, ordinateur, à envoyer des SMS ou surfer sur le Net ou dans Facebook.
À partir de ces contraintes qui recèlent nombre d'opportunités, le projet Hair-Be 12 va devenir... un projet de serious game, dans lequel les apprentis coiffeurs pourront jouer seul ou en équipe, en ligne, à domicile, à l'école ou dans un cybercafé. Hair-Be 12 s'inspirera des jeux vidéos en ligne auxquels cette génération est habituée, et les concepteurs n'oublieront pas de s'appuyer sur des orientations pédagogiques adaptées à la cible des apprentis coiffeurs.
Après une phase d'expérimentation où des apprentis joueurs ont accepté d'être filmés en pleine action et des enseignants ont pu influer sur les contenus et leur transmission, Hair-Be 12 a été validé dans sa version actuellement déployée.
Le but du jeu est donc, pour l'apprenti coiffeur en équipe, d'acquérir les attitudes et compétences qui lui permettront de contribuer durablement au chiffre d'affaire du salon. Se retrouvant dans l'univers connu du salon, dont il peut choisir la configuration, il va choisir son avatar parmi un grand nombre de propositions, avec le souci de L'Oréal de promouvoir la diversité : H/F, visage, look vestimentaire... Les équipes sont en compétition pour gagner des « beez », monnaie locale Hair-Be 12 qui sert à mesurer la progression du chiffre d'affaire du salon. On s'en doute : les beez permettent d'accéder à une boutique virtuelle où les joueurs pourront acheter selon leurs gains (prendre un café par exemple...).
Hair-Be 12 est aussi une variation sur le nombre 12 : le jeu contient 12 épisodes correspondant chacun à un mois de l'année, pour prendre en compte la saisonnalité des ventes dans la performance commerciale des équipes... 12, c'est aussi le nombre des épreuves que les équipes doivent affronter par épisode... chaque épreuve ayant une durée minimale (cela va de soi) de 12 minutes !
La réussite est là : les épisodes répondent aux attentes : clairs, complets, ludiques, interactifs, véritable « parcours éducatif immersif » comme l'indique Frédéric Aunis : « Nous avons aussi opté pour le serious game afin de sortir de linéarité du « eLearning classique » : Hair-Be 12 ménage en effet de multiples entrées aux joueurs ».
Le principe du jeu fait tomber les barrières hiérarchiques : « L'apprenti se forme d'autant mieux qu'il peut expérimenter sans crainte des attitudes, des actions pour en mesurer l'impact sur les affaires du salon... ce qui lui est largement interdit dans le monde réel est possible dans Hair-Be 12, grâce à la mise en jeu de son avatar qui est lui sans être tout-à-fait lui... » Ces inhibitions qui font souvent obstacles à l'apprentissage disparaissent avec le serious game... « Et le plus intéressant, c'est qu'il en va de même pour les managers qui ont décidé d'adopter le jeu pour leurs propres équipes, notamment comme outil d'animation de la réunion commerciale ! »
Il n'y aurait donc aucune ombre au tableau ? « Si le retour d'expérience est très positif, il faut néanmoins du temps pour qu'une telle innovation soit pleinement acceptée par tous les acteurs concernés ». L'accompagnement des formateurs, des managers de salon de coiffure, est indispensable : « En particulier, nous avons des résultats étonnants à chaque fois que le corps enseignant, convaincu que Hair-Be 12 peut enrichir sa pratique pédagogique, se l'approprie pour l'utiliser dans les cours, comme récemment à travers la formation de 200 coiffeurs russes que nous venons de réaliser ». Il en va de même avec les managers des salons qui ont su passer outre leur prévention initiale pour permettre à leurs apprentis de se former en jouant à leurs moments libres. « Ce sont souvent ces mêmes managers qui utilisent Hair-Be12 pour améliorer le management de leur équipe... »
Hair-Be 12 est sans doute appelé à un grand avenir, s'il résiste aux traditionnels arbitrages qui réservent la plus grand part des budgets à la formation aux produits, dont le retour sur investissement est plus facile à mettre en évidence que celui des formations à la dimension business d'un salon de coiffure...
Hair-Be 12 présente toutefois un autre avantage de taille, un de ces bénéfices indirects et parfois majeurs qui apparaissent là où on le les attendaient pas : ce serious game très réussi pourrait constituer un excellent vecteur d'image pour L'Oréal, dès lors qu'il serait plus largement diffusé pour toucher, par exemple, les jeunes diplômés que les grandes entreprises s'arrachent à prix d'or... Ce qu'a par exemple bien compris Thalès, avec le serious game moonshield récemment chroniqué dans e-learning-infos...