Sylvie Octobre, l'auteure de l'étude, nous parle d'un drôle de pays.
Le pays des TIC (Technologies de l'Information et de la Communication), où les indigènes – les « Digital Natives » pour reprendre l'expression bien connue de Marc Prensky, ou encore les jeunes de 10 à 24 ans – cohabitent tant bien que mal avec les « Digital immigrants » pour qui les TIC sont toujours précédées du « N » de Nouvelles. Le monde à l'envers, si l'on veut : les nouveaux devenus les anciens, et vice-versa.
L'étude dresse quelques caractéristiques des Digital Natives. Ils sont connectés en moyenne 13 heures par semaine sur le Net ; près des deux tiers le sont quotidiennement, et (on s'en doutait) surtout pour communiquer via la messagerie instantanée ou les blogs. Étonnamment, l'étude ne mentionne ni Facebook ni MySpace.
Parmi les 10-24 ans, l'enquête distingue trois groupes d'âge. Dont les 20-24 ans : autant dire les tout prochains à arriver dans les entreprises. Lesquelles en apprennent de belles au passage !
Par exemple, que la lecture des livres baisse dans les limites supérieures de cette tranche d'âge, en particulier dans les catégories supérieures diplômées, et qu'une plus complète capitulation est évitée grâce aux filles !
Le rapport conjecture que la lecture a pu se déplacer du livre à l'écran, tout en ajoutant qu'on ne dispose guère de données sur la question. Lecture des 1500 pages d'un roman de Dumas, lecture de courts posts dirigés par les flux rss sur nos écrans : parle-t-on de la même chose ? La fatigue du blogueur devant le « pavé », la migraine du lecteur d'antan devant l'écran : on sent bien l'amorce d'une divergence irréductible de l'écran et du livre.
Autre trait original du Digital Native : il consomme plusieurs médias simultanément. Soit : mobile à l'oreille (conversation 1), messagerie instantanée (conversation 2), lecture et réponse aux messages laissés sur Facebook (conversation 3) devant une série TV forcément culte (pas de conversation du tout)... Pratique pudiquement qualifiée de « consommation multitâches » dans le rapport, quand on aurait parlé naguère de zapping. Un zapping trop rapide sans doute pour que l'observateur y voit autre chose qu'un instantané multitâches.
Voilà qui devrait inspirer quelques profondes méditations aux managers et responsables RH.
D'autant que le rapport pointe la confiance limitée des DN envers les institutions, qu'ils perçoivent comme moins compétentes qu'eux en ces matières. Les pauvres... elles ont par ailleurs perdu leur monopole d'accès à l'information. Et tous potentiellement producteurs d'informations, les DN n'attendent plus d'elles l'homologation des contenus. Cette fonction est dévolue à la communauté des pairs, aux membres du réseau ou de la tribu, seuls habilités semble-t-il à juger de l'intérêt des informations produites.
Enfin, du nouveau sur le front des genres : ils ne sont pas en voie de disparition ! Les jeux vidéos restant l'apanage des garçons et la lecture celui des filles (on y revient !), on finirait par se demander où va le Serious Game. En se gardant d'une déduction hâtive (lire à ce propos l'article de Juan Alvarez)
Pour en savoir plus : Pratiques culturelles chez les jeunes