Relevons d’abord le contexte instable dans lequel s’est déroulée l’enquête Cegos, résumé par deux mots : crise et réforme (de la formation professionnelle).
Deux échantillons représentatifs (secteurs d’activité, tailles d’entreprise, qualifications et âges des salariés) : 320 DRH et Responsables de Formation et 801 salariés interrogés : de quoi recueillir une information fiable, et faire jouer un effet miroir aux résultats parfois savoureux (ce que disent les uns et les autres…)
Parmi les enseignements que l’on peut tirer de l’étude, le plus important est sans doute l’échec de la réforme 2004 à atteindre son objectif de réduction des inégalités. Avec pour conséquence un certain pessimisme sur l’intérêt de la réforme 2009 en cours… Les chiffres sont cruels pour les salariés les moins qualifiés : 32% des ouvriers ont pu bénéficier d’une formation au cours des 3 dernières années contre 62% des cadres… Même punition pour ceux qui ont la « malchance » de travailler dans une petite entreprise (effectif inférieur à 50) : 32% des salariés sont partis en formation durant cette même période, contre 62% dans les entreprises de plus de 2000 salariés. Ce qui confirme ce qu’on savait déjà : mieux vaut être cadre dans une grande entreprise qu’employé peu qualifié dans une PME.
A noter toutefois : l’enquête Cegos traite de ce que l’on pourrait désigner de façon un peu barbare « la formation formelle », i.e. la formation dont le dispositif de gestion de la formation garde trace. Du coup les résultats de l’étude défavorisent les PME, qui recourent massivement aux formations au poste de travail (« on the job »).
L’âge semble un critère discriminant pour l’accès à la formation : les jeunes bénéficient logiquement d’un plus grand nombre de formations dans le cadre de leur adaptation à leur emploi ; les seniors (plus de 50 ans) ne sont pas les plus mal traités, ce qui est une bonne nouvelle : les entreprises se décideraient-elles enfin à admettre qu’un tel salarié peut avoir encore jusqu’à 15 ans de carrière professionnelle ou plus devant lui ? Les moins servis sont, inexplicablement, les salariés de la tranche d’âge 40-49 ans.
Le DIF concentrant les ambigüités de la réforme 2004, Jacques Coquerel, Président du groupe CEGOS, a beau jeu de le qualifier d’échec. Bien que, année après année, DRH et salariés anticipent l’augmentation des demandes de DIF, celles-ci ont en réalité baissé en 2009… Les chiffres globaux sont significatifs : seulement 18% des salariés ont suivi une formation au titre du DIF sur la période étudiée, avec les mêmes inégalités que celles révélées précédemment… A qui est imputable cet échec du DIF ? Un peu à tout le monde selon Jacques Coquerel : « aux entreprises qui, le trouvant trop compliqué à mettre en œuvre et trop coûteux, privilégient le plan de formation ; aux salariés qui n’ont pas su ou voulu se saisir de ce nouveau droit ; aux instances représentatives du personnel et aux syndicats de salariés qui, après avoir tous signé la réforme, considèrent qu’il n’est pas de leur ressort de s’assurer de la bonne utilisation que les salariés font individuellement de leur droit ». Et de pointer combien il est facile de désigner le management comme bouc émissaire d’une responsabilité collective…
L’enquête Cegos montre néanmoins que les salariés sont deux fois plus nombreux que l’an passé à vouloir mobiliser leur crédit d’heures DIF… Le reflet sans doute d’une inquiétude plus grande quant à l’emploi ? Une progression qui peut donner quelques sueurs aux DRH et Responsables de Formation, en raison des coûts induits, et peut-être plus encore des discussions à venir sur la nature des formations DIF, les salariés attendant de celles-ci qu’elles renforcent leurs compétences métier alors que l’entreprise préfèrent leur associer des thématiques transversales telles que les langues ou la bureautique.
Ce quiproquo s’était déjà fait jour dans les précédentes enquêtes : de l’intérêt de l’effet miroir !
Pour en savoir plus : Résultats détaillés de l’enquête